A Monriond près de Lausanne 26 xbre 1755
Ceux qui vous ont dit, mon cher monsieur, que j'étais dégoûté de Lausanne, n'ont songé qu'au regret véritable que j'ai de ne plus jouir de votre société dans ma petite retraite d'auprès de Genêve: mais on peut aimer les lieux où l'on n'est pas, sans haïr ceux où l'on est.
Je regrette Genêve, et j'aime Lausanne; ce n'est pas que j'aille beaucoup a la ville, mais les plus honnêtes gens daignent venir quelquefois chez moi, et j'ai trouvé ici la même humanité et la même bienveillance que parmi vos citoyens. On me pardonne ici, comme chez vous, ma mauvaise santé qui m'empêche de remplir mes devoirs.
Ne vous plaignez point tant de votre mêtier; il donne de la considération et de la réputation. Tous les exemplaires du sermon de Mr Bertrand ont été enlevés ici en un quart d'heure. Jugez de ce qui vous arrivera quand vous ferez imprimer les vôtres. Mrs de l'Enciclopédie m'ont chargé pour le tome F d'un fardeau un peu difficile à porter. Je voudrais qu'on eût exigé dans cet ouvrage un peu moins de Dissertations. Il est bien difficile qu'il n'y entre du problématique: il ne faut dans un Dictionaire que des définitions et des exemples. made Denis vous est très-obligée de votre souvenir. Permettez-moi de présenter mes obéissances à toute votre famille. Ne m'oubliez pas, je vous prie, auprès de Mr et de made Labat quand vous les verrez; et soyez persuadé mon cher monsieur, de l'estime et de l'amitié que je vous ai vouées.
Vale.
le malade V.