1755-10-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mon cher ange je vous ay envoié deux exemplaires de votre orphelin.
Je vous prie de pardoner à ma misère. Je devrais avoir mieux répondu aux soins dont vous avez honoré mes chinois, vous et madame Dargental. J'ay rendu compte autant que je l'ay pu de ce qui s'est passé entre le quatre et le cinq. Mais je ne sçai si j'en ai rendu bon compte. Je vous demande en grâce de donner un exemplaire de cette nouvelle fabrique à ce négligent Lambert qui devient si impatient quand il s'agit de me faire enrager. Qu'il fasse au moins usage de cet exemplaire si je ne peux luy en procurer un meilleur. Je vous avoue que l'avanture de la pucelle m'a mis hors d'état de travailler. Je suis parfaitement instruit qu'elle est imprimée. Elle inondera bientôt tout Paris: et je serai à mon âge occasion d'un grand scandale. Me conseilleriez vous de renouveller mes protestations dans quelque journal? Permettez que j'insère sous votre enveloppe un petit motà monsieur le comte de Choiseuil. Je ne sçai point sa demeure, et je crains que ma lettre n'aille à quelqu'un de son nom qui n'aurait pas pour moy la même indulgence que luy. J'ay reçu de mon mieux les deux pélerins que vous m'avez annoncez.

Les deux exemplaires de l'orphelin de la Chine sont partis à l'adresse de mr du Pin, secrétaire de mr Dargenson, mais j'ay bien peur que Jeanne ne fasse plus de bruit qu'Idamé. Mon cher ange priez dieu pour moy.

V.