1755-08-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Puisque vous voulez monsieur que je reste dans la maison que j'ay choisie ayez donc la bonté de m'envoyer une belle table de trictrac pour me distraire, car encor faut il amuser ses chagrins.
Les belles lettres ne servent qu'à empoisonner la vie, et il n'y a de bon en fait de lettres que celles de change. J'ay dépensé plus de quarante mille écus depuis que je suis icy. Le reste servira à me faire mourir en paix ailleurs si la calomnie vient me persécuter aux pieds des Alpes. Mais je ne conseille pas à ceux qui m'ont rendu de mauvais offices de m'en rendre encor, s'ils ne veulent que je rende leur nom éxécrable à la postérité. Je suis un peu en colère, mais j'ay raison, et j'ay encor plus raison en vous assurant de ma tendre reconnaissance. Ma nièce, qui est au désespoir, joint ses sentiments aux miens.

V.