1755-01-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Que j'abuse de vos bontez mon cher et respectable amy, mais pardonez à un solitaire qui n'a que ses livres pour ressource et qui les perd.
Je vous supplie de vouloir bien faire donner cette nouvelle semonce à ce maudit Lambert. Mon ange tout le monde hors vous, se moque des malheureux. Encor si j'avais fait le triumvirat, mais je n'ay qu'un orfelin, et voylà la boete de Pandore qui va s'ouvrir. Pendant ce temps là nous sommes tout au beau milieu du mont Jura. Per frigora dura secuta est. Si jamais vous voulez tâter des eaux de Plombieres, envoyez moy chercher, ce ne sera peutêtre que lâ que je pourai avoir encor une fois avant de mourir la consolation de vous voir. Au reste notre mont Jura est mille fois plus beau que Plombieres, et ce lac si fameux pour ses truittes, est admirable; et puis doit on compter pour rien d'être en face de Ripaille? Ma foy ouy.

Mon cher ange le malade et la courageuse garde malade vous embrassent de tout leur cœur.