A Colmar, 3 mai 1754
Je ne reçois qu'aujourd'hui votre lettre du 30 mars; apparemment qu'elle est écrite du 30 avril.
Je charge le sr Walther, libraire de Dresde, de vous faire parvenir les Annales de l'Empire, en droiture à Hameln, où vous êtes. J'ai trouvé plus de secours que vous ne pensez pour finir cet ouvrage à Colmar. Il y a des hommes très-savants qui d'ailleurs ont des belles lettres et d'assez belles bibliothèques. Une grande partie de mon bien est située à une lieue de Colmar; ainsi je me trouve chez moi. Je pourai faire quelque voiage chez des personnes qui m'honorent de leurs bontés. Il n'y a jamais que mon coeur qui me conduise. Je n'avais quitté ma patrie que sur les instances réitérées qu'on m'avait faites, et sur les promesses d'une amitié inviolable; mais on ne s'expose pas deux fois au même danger.
Je ne savais pas qu'il y eût encore une Bibiothèque raisonnée; vous me feriez plaisir, monsieur, de me dire où elle s'imprime, et dans quel mois se trouve l'article dont vous me faites l'honneur de me parler.
Il me semble que le mot de persiflage, qui se met à la mode depuis quelque temps, pourait servir de titre au Livre du Comte de Cataneo. Il n'en est pas ainsi des lettres que vous m'écrivez: elles sont dictées par l'esprit et par le sentiment; j'y suis très sensible. J'ai l'honneur d'être avec bien du zèle, etc.
Voltaire