à Gothe ce 23 mars1754
Votre dédicace Monsieur ne peut que me flatter infiniment: Vous louéz si finement, avec tant de délicatesse qu'en apercevant même qu'on est fort au dessous de ce que Vous dite d'avantageu on ne laisse pas de le s'aproprier volontier: par ce qu'on espère toujour d'y atteindre un jour, et qu'on y voit la possibilité: voilà ce que j'appele louer dignement et sans bassesse: voilà de quoi je Vous suis redevable et que je tâcherai de mériter: aimer la vérité et qui voudroit avouer de ne là point aimer?
assurément persone: c'est elle qui met le sceau à Votre mérite: mais elle n'est pas bone à dire en tout païs; croyéz m'en mon cher Ami: éloignéz Vous de ces contrées infectés par la superstition et la crédulité; mais àpropos de contrées nous avons vus ces jours, ici un home qui doit Vous remplacer, qui a dit que le Roi de P. étoit un Prince capable d'ilustrer tout une contrée: il a dit encor que les bontés du Roi s'étoient gravés dans son cœur en traits de flâmes: qu'il avoit jusqu'ici cultivé les Muses en sècret et dans le silence; jugéz Monsieur si un home qui parle si bien n'est pas digne de Vous succéder;
Ce qui m'intéresse infiniment d'avantage et ce qui m'afflige véritablement c'est de Vous savoir malade: je fais les voeux les plus ardens, les plus sincères pour Votre promt et parfait rétablissement: comptéz Monsieur que nous avons ici le vend du nord de la première main: j'en ai pourtant été quite pour un gros Rhume, que j'ai suportée avec beaucoup de patiance après avoir subit une plus grande maladie l'Autone dernière: C'est ainsi qu'on se fait à tout: un grand péril qu'on voit de près nous rend dur et insensible au moindre.
Je n'ai pas le tems d'en ajouter d'avantage, je suis avec toute l'amitié que Vous me conoisséz
Monsieur
Votre très affectionée amie et servante
LDdS