à Colmar 12 février [1754]
Puisque vous vous faites une bibliotèque considrable il faut bien monseigneur qu'il y entre des livres médiocres.
En voicy un qui est probablement fort indigne de vous être présenté. Je sçai que vous avez une relieure particulière, et d'ailleurs il y a peu de relieurs à Colmar. Souffrez donc que votre vieux courtisan vous présente ces prémices telles qu'elles sont.
Vous avez voulu avoir absolument cette prétendue histoire universelle à la quelle on a mis mon nom, et qui est si ridiculement imprimée. Vous êtes en quelque façon obligé en honneur d'empécher qu'on ne fasse des procédures contre cet ouvrage. Quelque bonne âme a voulu engager un vieux procureur général du conseil d'Alzace à instrumenter dans cette affaire contre le livre et contre l'autheur. Vous êtes secrétaire d'état de l'Alzace. Il est très certain qu'un mot de vous au procureur général empêcherait un scandale ridicule qui itait aux oreilles du Roy, et qui éclaterait dans l'Europe. Deux lignes en général, une recommandation même vague suffirait assurément pour tout arrêter. J'ose vous la demander instament. J'ay peur que ma lettre n'arrive dans un temps où la goutte vous tourmente encore. Je m'intéresse bien plus vivement à votre santé qu'à tous les livres du monde, et je conserverai pour vous jusqu'au dernier moment de ma vie le tendre et respectueux attachement qui par malheur a commencé il y aura bientôt cinquante années.
V.