1753-09-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Count Gustav Adolf von Gotter.

Mad: la Duchesse de S. G. m'a instruit de ses bontés, et des Vôtres: je ne puis que marquer ma surprise et mon extrême réconoissance.
Que puis je Vous dire Monsieur? Il y avoit autrefois une vieille p.. qui étant amoureuse come une folle d'Alcibiade: elle avoit fait le voyage d'Athene pour cet Alcibiade qui étoit le plus éloquent des Grecs, come le plus grand capitaine: un sophiste plus dur qu'un Scithe, home à idées creuses, brouilla cette pauvre diablesse avec ce beau Grec, qui la renvoya à coups de pied au c.. en Arcadie. Elle passa chéz une descendante d'Hercule qui tâcha de la consoler et qui la recomanda à un Grec, home de beaucoup d'esprit: ce grec fit tout ce qu'il put pour toucher Alcibiade, mais il ne savoit pas que la ca: en faveur de qui, il parloit étoit un peu ridée. Alcibiade répondit au Grec: je sais bien que cette pauvre feme m'a aimé de tout son coeur, mais elle n'est plus jolie: il ne s'agit pas de m'aimer, il faut me plaire: mais pourquoi lui doner des coups de pied dans le derière? lui dit le Grec: oh par Dieu, dit Alcibiade, la voilà bien malade! Je lui ai fait cent fois plus de plaisir en ma vie que de mal.

Sur ce Monsieur j'ai l'honeur d'être.