à Cirey ce 12^e 10^bre [1737]

Vous prétendés auoir oublié mon adresse, Monsieur, mais moi ie me souuiens très bien de la vôtre.
Ie suis charmée que le comerce de m^r de V. et de v͞s, soit renoüé. V͞s verrés peutêtre à Paris vn home que i'ay été bien affligée de mettre dehors de chez moi, c'est m^r Linant, qui ne manque ni d'esprit ni de talent p͞r les vers mais bien de reconnoissance p͞r ses bienfaiteurs. Il m'est tombé entre les mains des lettres de sa soëur que i'auois, par bonté p͞r lui, pris p͞r ma feme de chambre dans lesquelles elle parloit de moi de la façon la plus insultante. Ie ne sais si son frère est son complice, mais quoiqu'il en soit, ie ne puis garder ni l'un, ni l'autre. Ie souhaitte qu'ils soient plus heureux ailleurs. La soëur est vne malheureuse, cela est bien décidé, mais le frère, auec de grans défauts, peut encore se coriger peutêtre. Ie le souhaitte, c'est tout ce que ie puis faire. Ie v͞s suplie si v͞s saués quels discours il tiendra sur Cirei de m'en informer, mais ce dont ie v͞s prie c'est de me chercher vn précepteur p͞r mon fils. Il paroit que jusqu’à présent c'est vn très bon sujet, et ie suis persuadée que v͞s estes très capable de me choisir vn home tel qu'il me le faut. Ie v͞s laisse le maitre de ses apointem͞s, ne voulant rien Epargner p͞r l’éducation de mon fils. V͞s saués bien à peu près ce qu'il me faut. Si v͞s en trouuiés vn qui dit la messe cela n'i gâteroit rien mais c'est vne circonstance Etrangères. Si v͞s en troués vn, ie v͞s suplie de l'adresser à mon frère auec vn mot de vous. Il aura soin de me l'enuoyer. V͞s voyés, Monsieur, que malgré votre silence, ie comte sur votre amitié, v͞s ne deués pas douter monsieur du cas que i'en fais.