ce 15 [September 1753]
Vous en userez, mon cher Maupertuis, de votre histoire de Voltaire, comme il vous plaira.
Pour moi, je sais toutes les méchancetés et les noirceurs qu'il vous a faites; il ne m'a pas épargné non plus. Les libelles qui ont couru à Paris, sont de lui. Pour déguiser son style, il les a fait traduire en allemand et de l'allemand retraduire en français; mais cela ne m'affecte point, car si les calomnies qu'il répand contre moi, sont fondées, c'est à moi de me corriger, et si ce sont des mensonges, la vérité triomphe toujours à la fin des impostures. Voilà ma façon de penser et de conserver mon âme tranquille, malgré les secousses qu'on voudrait lui donner. C'est le sort des personnes publiques de servir de plastron à la calomnie. C'est contre elles que la malignité des hommes exerce ses traits. J'ai voulu arrêter un cheval fougueux qui blessait tout le monde dans sa course; je ne suis pas étonné d'avoir essuyé en chemin quelques éclaboussures. Consolons nous ensemble, mon cher président, et souvenez vous de ce mot de Marc Aurèle qui devrait être gravé en lettres d'or sur la porte de tous les philosophes: ‘C'est contre ceux qui t'offensent, et contre les honnêtes méchants que tu dois exercer la clémence, et non pas contre les gens qui ne t'outragent pas.’ Adieu, mon cher, quand Marc Aurèle a parlé, il me convient de me taire. Je fais mille vœux pour votre reconvalescence.
Federic