1753-06-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Ma nièce me mande de Strasbourg que j'ay fait un beau quiproquo; pardonnez mon cher ange.
Vous avez dû être un peu étonné des nouvelles dont vous aurez deviné la moitié en lisant l'autre. Je ne doute pas que ma nièce ne vous ait mis au fait, et ne vous ait renvoyé la lettre qui était pour vous.

Vous verrez cy joint un petit échantillon des calculs de Maupertui. Es-ce là sa moindre action?

Il n'est pas moins surprenant que, pour se faire rendre un livre qu'on a donné on arrête à deux cent lieues un homme mourant qui va aux eaux. Tout cela est singulier. Maupertui est un plaisant philosofe.

Mon cher ange, il faut savoir souffrir, l'homme est né en partie pour cela. Je ne crois pas que toutte cette belle avanture soit bien publique. Il y a des gens qu'elle couvre de honte. Elle n'en fera pas à ma mémoire. Adieu mon cher ange, adieu tous les anges. La poste presse. Et le pauvre petit abbé? où diable fait il pénitence de sa passion effrénée pour le bien public? Portez vous bien.

V.

à Francfort sur le Mein sous l'enveloppe de Mr James de la Cour ou si vous voulez à moy chétif au lyon d'or.