Potsdam 29 aoust [1752]
Je vous aurais très bien reconnu à votre stile monsieur et à vos bontez.
Vous m'annoncez une nouvelle qui me fait grand plaisir. Vous allez croire que c'est du duc de Foix que je veux parler. Point du tout, c'est de Neron. Je suis bien plus flatté pour l'honneur de l'art, que vous vouliez bien être des nôtres, que je ne suis séduit par un de ces succez passagers dont le public ne rend pas plus raison que de ses caprices. Honorez votre confrairie de votre nom, montrez que les français vont à la gloire par tous les chemins. Il y avait des vers extrêmement beaux dans votre ouvrage. Plus votre génie s'est développé, et plus vous vous êtes senti en état de bâtir un édifice régulier avec les matériaux que vous avez amassez. Je souhaitte me trouver à Paris quand vous gratifierez le public de votre tragédie. Vous me ferez oublier les cabales des gens de lettres, et les persécutions des fanatiques. Les sottises qu'on a faittes à Paris depuis un an ou deux ont tellement décrié la nation dans l'Europe qu'elle a besoin que les beaux arts réhabilitent ce que les billets de confession et cent autres impertinences de cette nature ont avili. Je me flatte que vous y contribuerez, et que si on sifle la Sorbonne, vous rendrez le téâtre français respectable. Permettez moy de présenter mes respects à madame la marquise et à vos amis.
V.