Potsdam, le 26 août [1752]
Remerciement, docilité, reconnaissance et remontrances.
1. La langue a changé de deux siècles en deux siècles et non pas de siècle en siècle parce que cent ans ne suffisent pas pour opérer un changement.
Nous ne parlons plus celle de Henri II et nous parlons encore celle du cardinal de Richelieu et sous Henri II on ne parlait plus celle de Philippe de Valois, etc.
2. Je suis fâché de n'avoir pas parlé des soupçons de m. de Catinat sur le duc de Savoie; mais on ne peut pas tout dire dans un si petit volume. De plus, le premier tome de la seconde édition étant déjà imprimé, il n'est plus possible d'y changer rien de considérable.
3. J'ai rayé le président de Perigni parce que vous m'avez mandé qu'il n'avait pas été le précepteur de Louis XIV. Si vous ordonnez que j'en parle, ayez la bonté de me mander au plus vite ce qu'il en faut dire, car on imprime à force.
4. Que diable me parler vous de gravité, page 8, tome 2? Il y a que la danse donne de la grâce au corps. Est ce que l'imprimeur aurait mis gravité pour grâce?
5. Je viens de donner une place à Hardouin Mansard auquel vous vous intéressez.
6. Je puis vous assurer que j'ai lu dans les Mémoires du marquis de Dangeau l'empoisonnement de la reine d'Espagne, etc.
7. Je profite de beaucoup de vos remarques et je corrige.
8. Mon sentiment ne diffère peut-être point tant du vôtre sur l'uniformité des lois. Vous voulez que l'héritage d'un marchand de drap et celui d'un duc et pair se partagent différemment, et moi aussi; mais je voudrais que ce qui est vrai à Corbeil ne fût pas faux à Guigne-la-p… et vous aussi. Ces contradictions sont les suites du gouvernement féodal que vous n'aimez pas plus que moi.
9. J'ai lu le Mémoire de Boindin. J'en parlerai à l'article La Motte. Je suis persuadé qu'il est impossible que La Motte, Saurin et Malafaire aient comploté la conjuration des couplets. Je suis très au fait de cette affaire. La mère du garçon que Rousseau fit suborner servait chez mon père…. J'aime assez les anecdotes des rois et des servantes.
10. Rien n'eut de l'éclat, en effet, sous le ministère du cardinal de Fleury; mais ce n'est pas là une louange.
11. Le maréchal de Villars croyait avoir gagné la bataille de Malplaquet, ce n'est pas ma faute.
12. Le monument indiscret dont vous me parlez (page 221) ne se trouve pas dans mes capitulaires, et il n'y a rien de changé en cet endroit qu'on va bientôt imprimer.
13. Je viens de relire la page 226. Il n'y a pas un seul mot qui ait le moindre rapport à la pièce de François 11. Vous me faites d'ailleurs une querelle fort injuste sur un ouvrage que j'estime.
14. J'ai parlé de l'abbé de Lécluse à l'article Brienne, et je nommerai m. Secousse si vous le jugez convenable.
En vous remerciant tendrement, mon cher et illustre confrère. La Sorbonne pourrait bien condamner le livre, mais je ne le lui conseille pas. Nous sommes un peu fiers à Potsdam. Si m. le comte d'Argenson le veut, je lui enverrai l' Histoire de la guerre de 1741 en manuscrit. C'est un ouvrage qui lui appartient, et ce sera un monument dans sa bibliothèque. C'est là où j'entre dans les détails quia erat hic locus; mais ces détails se perdront dans l'océan de l'histoire. L' Histoire de 1741 sera bonne dans quelques années pour les familles de ceux dont j'ai tâché d'écrire les belles actions d'une manière intéressante. Mais le temps de la vogue d'une pareille histoire est court, au lieu que Louis XIV, ou plutôt les grands hommes de son temps ont imprimé à leur siècle un éclat qui ne s'effacera jamais. Pardonnez moi, mon cher président, si je n'ai pas l'honneur de vous écrire de ma main; je suis le plus malingre de vos serviteurs, mais je ne suis pas celui qui sent le moins vivement votre mérite et vos différents mérites.
J'oubliais de vous dire que j'ai reçu des manuscrits de la main de Louis XIV, qui ne feront pas de mal au Siècle. J'ai de nouvelles anecdotes sur l'homme au masque de fer. Je suis plus riche qu'on ne pense.
Mon dieu! que Mezerai est bas et dur, que Daniel est insipide et que je voudrais être jeune, et travailler sous vos ordres! Je vous embrasse et me recommande à vos bontés.