au châtau de Potsdam 25 may 1752
Vous souvenez vous encor de moy mon cher confrère?
Voicy un jeune homme que le roy de Prusse fait voiager pour étudier Ciceron et Démostene. A qui pui-je mieux l'adresser qu'à vous? C'est le fils d'un homme illustre dans la littérature, de Mr de Beausobre, philosophe quoyque ministre protestant, auteur de l'excellente histoire du manichéisme, et le plus tolérant de tous les crétiens. Le roy de Prusse qui avait de l'estime pour ce savant homme, daigne servir de père au fils qu'il a laissé, et à qui il n'a rien laissé. Je le loge chez moy à Paris. C'est un devoir que m'impose la reconnaissance que je dois à un roy qui fait plus pour moy qu'aucun monarque n'a jamais fait pour aucun homme de lettres. Je n'ay icy d'autre chagrin que celuy de n'avoir pas besoin des honneurs et des bienfaits dont le roy me comble. Vous voyez que mes peines sont légères. Voylà comme il faut sortir de France, et non pas comme votre amy Rousseau. Si vous pouvez rendre quelque service au jeune de Beausobre, en grec, en latin, ou en français vous obligerez votre véritable serviteur qui vous aimera toujours.