1751-10-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Saine ou malade, grasse ou maigre, pâle ou vermeille, je vous aime véritablement madame.
Mais je ne suis pas heureux dans mes grandes passions. Il n'y a pas d'apparence que j'aye l'honneur de vous faire ma cour avant le retour du roy. Je ne crois pas que je meure de cette belle mort des cochons dont vous parlez. Je mène une vie philosofique qui devrait donner de la santé. Cependant je n'en ay point. Le roy daigne me rendre heureux autant que peut l'être un homme attaqué de la maladie cruelle qui me tue depuis six mois, et qui m'a fait presque perdre touttes les dents. On ne peut plus guère m'entendre quand je parle, mais j'auray au mois de décembre le bonheur de vous entendre.

Je ne sçai ce que c'est que cette traduction allemande. Un mr de Shemberg vient de traduire en vers la Henriade à Dresde. C'est tout ce que je sçai. J'espère mettre bientôt à vos pieds une édition plus correcte que tout ce qu'on a vu jusqu'icy. Mille tendres respects.

V.