à Potsdam le 20 septembre 1751
Voici une douzaine de feuilles du Siècle de Louis XIV.
Il est juste que vous, vous en ayez les premières. Je voudrais bien que mr de Malesherbes eût le temps et la bonté de les lire. Il me semble que dans cet abrégé il y a des détails utiles, des traits de citoyen. La plupart des historiens s'appesantissent dans leur cabinet sur des détails de guerre qui ne conviennent qu'aux gens du métier, et qui étant presque toujours très infidèles, ne sont bons pour personne. J'ai tâché de faire connaître Louis XIV et la nation. Je conçois bien que Paris est à présent ivre de joie de la naissance d'un duc de Bourgogne, mais que voulez vous que j'en dise? Je ne verrai sûrement pas son règne, et je ne suis occupé que de celui de son trisaïeul. Son berceau sera couvert des odes de nos poètes. On lui prédira des victoires, on lui dira qu'il fera les délices du genre humain.
Depuis ma dernière lettre je vais bride en main sur la louange. J'attends impatiemment votre réponse et je prends patience sur le reste.