1751-09-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Philippina von Preussen, duchess of Brunswick-Wolfenbüttel.

Madame,

On m'a dit que v. a. r. avait reçu avec quelque bonté les assurances de mon respect, de mon regret de ne vous pouvoir faire ma cour, de mon inquiétude sur la santé de mad. la princesse votre fille.

S'il est possible que, dans la foule qui vous environne, v. a. r. ait pu faire quelque attention à mes sentiments, elle permettra que je l'en remercie. Mais

Pour vos festins royaux il faut avoir des dents,
Des yeux pour vos charmes brillants,
Des oreilles pour bien entendre
Vos propos vifs et sémillants
Et de l'esprit pour vous le rendre.
Tout va fort mal chez moi, mon feu meurt sous la cendre.
Je n'ai plus que mon âme et ce n'est point assez
Pour vous et votre auguste frère,
Vous, l'âme des plaisirs, l'un sur l'autre entassés,
Du bal, de la redoute, et de la grande chère,
Et de ces opéras peu sentis du vulgaire,
Et de ces longs dîners où chez la reine mère
Soixante convives pressés
Font ce qu'ils peuvent pour vous plaire,…
Priez dieu pour les trépassés!

Je suis avec un profond respect

de v. a. r. et de monseigneur le duc

le très humble, très obéissant et très cacochyme et très inutile serviteur

Voltaire