1743-10-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Graf Otto Christoph von Podewils.
Lorsque d'un feu charmant votre muse échauffée
Chez les vestphaliens rimoit des vers si beaux,
Cher amy j'ay cru voir Orphée
Qui chantoit dans la Trace, entouré d'animaux.

Pour moy mon adorable ministre, j'ay suivi à Bareith l'Orphée couronné. J'y ay vu une cour où tous les plaisirs de la société, et tous les goûts de l'esprit sont rassemblez. Nous y avons eu des opéra, des comédies, des chasses, des bals, des soupers délicieux. Ne faut il pas être possédé du malin pour aller s'exterminer vers le Rhin ou vers le Danube aulieu de couler ainsi doucement sa vie?

Je compte repasser incessament par le pays dont vous faites les délices. Ce n'est pas mon plus court; mais je ferois un détour de cinq cent lieues pour venir vous embrasser, pour jouir de votre aimable commerce, pour vous jurer un attachement éternel.

Notre monseigneur Crescenci a donc donné partout des bénédictions, aulieu d'argent dans les auberges.

Il ne faut que l'on s'étonne
Du juste procédé du prêtre italien,
Car dès dans cabarets où l'on ne trouve rien
Quel argent voulez vous qu'on donne?

J'ay eu l'honneur de souper hier chez le roy avec Monsieur votre oncle. M. de Botta n'étoit pas du soupé. Je ne sçais comment cela se peut. J'attends avec impatience le moment de vous revoir. Conservez moy vos bontez et celles de vos amis, et comptez pour jamais sur le tendre et respectueux attachement de

V . . . .

J'ay montré au roy votre aimable lettre. Il n'est pas fâché d'avoir un ministre qui écrit aussi joliment que luy même.

ce 4 octobre

Je viens de dîner chez la reine mère avec votre aimable oncle. Je pars le 11 ou le 12. Je vous suplie de vouloir bien remercier pour moy mr de Desbrosses, qui m'a envoyé des lettres de recommandation pour Dresdes; mais je n'en pouray profiter. Adieu, je suis à vous pr jamais.

Le petit Pascal s'est presque cassé la jambe à Bareith. Je le renvoye par eau de Bareith à la Haye.