10e juill: 1773
Madame,
On me dit que votre alt. s. a daigné se souvenir que j’étais au monde.
Il est bien triste d’y être sans vous faire sa cour. Je n’ai jamais ressenti si cruellement le triste état où la vieillesse et les maladies me réduisent.
Je ne vous ay vue qu’enfant, mais vous étiez assurément la plus belle enfant de l’Europe. Puissiez vous être la plus heureuse princesse comme vous méritez de l’être! J’étais attaché à madame la markgrave avec autant de dévouement que de respect et j’avais l’honneur d’être asez avant dans sa confidence quelque temps avant que ce monde qui n’était pas digne d’elle, eût perdu cette princesse adorable. Vous lui ressemblez, mais ne lui ressemblez pas par une faible santé. Vous êtes dans la fleur de vôtre âge. Que cette fleur ne perde rien de son éclat, que votre bonheur puisse égaler votre beauté, que tous vos jours soient sereins, que les douceurs de l’amitié leur ajoutent un nouveau charme! Ce sont là mes souhaits, ils sont aussi vifs que le sont mes regrets de n’être point à vos pieds. Quelle consolation ce serait pour moy de vous parler de votre tendre mère et de tous vos augustes parents! Pourquoy faut il que la destinée vous envoye à Lausanne, et m’empêche d’y voler!
Que votre altese sérénissime daigne agréer du moins le profond respect du vieux philosophe mourant de Ferney.
V.