1751-08-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louisa Ulrica, queen of Sweden.
Reine auguste, Reine chérie,
De vos glaçons ne parlez plus.
Dès longtemps je les crois fondus
Par le feu de votre génie.
J'espère encor dans mes vieux ans
Venir des rives de la Sprée
Admirer vos soins bienfaisants
Dans votre ville hyperborée.
J'y trouveray les dons charmans
Dont Flore en Grece fut parée,
C'est vous qui faites le printemps.
Si les dieux jaloux enlevèrent
Descartes à vos régions;
Qu'il s'en prenne à ses tourbillons,
Entre ses mains ils se gelèrent.
Il ne put jamais arranger
Cette machine aérienne,
Et les destins pour se vanger
Détruisirent bientôt la sienne.
Je suis cloué pour le présent,
Au tourbillon de votre frère,
Tourbillon, de gloire brillant
Et plein d'atomes de Lumière.
Le vôtre éclate bien autant.
Ce seroit un beau coup à faire
Que d'aller sans être transi,
D'un coin du ciel de Sans Souci,
Devers votre étoile polaire.
Mon Roy n'en sera point jaloux,
Son avis fut toujours le vôtre,
Et quitter Federic pour vous
C'est quitter un dieu pour un autre.

Mon cœur est occupé madame du désir de faire ma cour à votre majesté, de la reconnaissance que je dois aux marques de son souvenir et de ses bontez et du profond respect avec le quel je suis,

madame,

de votre majesté,

le très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire