1751-06-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Frederick II, king of Prussia.

Sire,

J'ay lu la nuit et ce matin depuis le grand Electeur jusqu'à la fin, parce qu'on ne peut pas lire deux moitiez à la fois.
Quand vous n'auriez fait que cela dans votre vie, vous auriez une très grande réputation. Mais cet ouvrage unique en son genre joint aux autres, et par parentèse à cinq victoires et à tout ce qui s'ensuit, fait de vous l'homme le plus rare qui ait jamais existé. Je remercie mille fois votre majesté du beau présent qu'elle a daigné me faire. Mon dieu que tout cela est net, élégant, précis, et surtout philosophique! On voit un génie qui est toujours au dessus de son sujet. L'histoire des mœurs, du gouvernement, et de la relligion est un chef d'œuvre. Si j'avois une chose à souhaitter et une grâce à vous demander ce seroit que le roy de France lût surtout attentivement l'article de la relligion, et qu'il envoyast icy l'ancien évêque de Mirepoix.

Sire vous êtes adorable. Je passerai mes jours à vos pieds. Ne me faites jamais de niche. Si des rois De Dannemark, de Portugal, d'Espagne, etc., etc., m'en faisaient, je ne m'en soucierais guères. Ce ne sont que des rois. Mais vous êtes le plus grand homme qui peutêtre ait jamais régné.

V.

Et notre sixième chant, sire! l'aurons nous?