A ce qu'on apelle le marquizat, ce 5 juin 1751
La plus part des gens ne sont ny l'un ni l'autre. On court, on aime les grandes villes comme si le bonheur était là. Sire, croyez moy, j'étois fait pour vous, et puis je vis seul quand vous n'êtes plus à Potsdam, aparemment que je n'y étais venu que pour vous. Cecy soit dit en passant.
J'envoye à votre majesté ce dialogue de Marc Aurèle. J'ay tâché de l'écrire à la manière de Lucien. Ce Lucien est naïf, il fait penser ses lecteurs, et on est toujours tenté d'ajouter à ses dialogues. Il ne veut point avoir d'esprit. Le défaut de Fontenelle est qu'il en veut toujours avoir, c'est toujours luy qu'on voit et jamais ses héros. Il leur fait dire le contraire de ce qu'ils devroient dire. Il soutient le pour et le contre. Il ne veut que briller. Il est vray qu'il en vient à bout mais il me semble qu'il fatigue à la longue, parce qu'on sent qu'il n'y a presque rien de vray dans tout ce qu'il vous présente. On s'aperçoit du charlatanisme et il rebute. Fontenelle me paroît dans cet ouvrage, le plus agréable joueur de passes passes que j'aye jamais vu. C'est toujours quelque chose et cela amuse.
Je joints à Marc Aurele, deux rogatons que votre majesté n'a peut-être pas vus parce qu'ils sont imprimez à la suitte d'un grimoire sur le quarré des distances le quel n'est point du tout amuzant.
Mais en récompense des chifons que j'envoye, j'attends ce sixième chant de votre art. J'attends le toit du temple de Mars. C'étoit à vous seul à bâtirce temple, comme c'était à Ovide de chanter l'amour et à Horace de donnerla poétique.
Sire faittes des revües, des ports, des heureux.
V.