à Compiegne ce 26 juin 1750
Je ne suis à Compiègne sire que pour demander au plus grand roy du midy la permission d'aller me mettre aux pieds du plus grand Roy du nord, et les jours que je pouray passer aux pieds de Federic le grand, seront les plus beaux de ma vie. Je pars de Compiègne après demain. Je suis exact, je compte les heures, elles seront longues de Compiegne à Sans Souci. Il y a eu cent mille sots qui ont été à Rome cette année. S'ils avoient été des hommes, ils seroient venus voir vos miracles.
V.
à Cleves ce 2 juillet
Sire,
J'avois envoyé ma lettre à votre chancelier de Cleves, et j'arrive aussitôt qu'elle. Je la r'ouvre pour remercier encor votre majesté. Je suis arrivé me portant très mal. En vérité je vais à votre cour comme les malades de l'antiquité alloient au temple d'Esculape.
J'y vole sire. J'arriverai mort ou vif. Je pars d'icy le 5. Mon misérable état et plus encor mon carosse cassé me retiennent trois jours.
Je suplie Votre majesté d'avoir la bonté d'envoyer L'ordre pour le vor span au commandant de Lipstad, et de daigner me recommander à luy. C'est une chose affreuse pour un malade français qui n'a que des domestiques français, de courir la poste en Allemagne. Erasme s'en plaignoit il y a deux cent ans. Ayez pitié de votre malade errant.
Je recachette ma lettre, et je renouvelle à votre majesté mon profond respect et ma passion de voir encor ce grand homme.
V.