1749-10-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste François Durey de Mesnières.

J'arrive à Paris monsieur accablé de désespoir, et de maux.
Si j'avois pu sortir ce matin je serois venu vous remercier de la consolation que vous daignez me donner. J'ay trouvé icy votre lettre. Je suis pénétré de votre sensibilité. Nous avons perdu un grand homme qui avoit des fantaisies de femme, mais son génie et ses vertus faisoient bien disparaître ses petites faiblesses. Elle a porté au tombeau la douleur de vous avoir déplu, et c'est un de mes désespoirs que votre union eût cessé. Mais ce léger nuage n'a point été jusqu'à vos sentiments. Je reconnais la bonté de votre cœur. J'en suis touché à un point qui mêle de la douceur à mes larmes. Je ne sçai si je pourai sortir aujourdhuy. J'aurais bien des choses à vous dire. Mais la plus pressée est de vous renouveller le plus tendre et le plus sincère dévouement et de vous conjurer de me conserver des bontez qui feront la consolation d'une vie bien malheureuse.

V.