1749-09-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Louise Denis.

Ma chère enfant je compte aller demain à Reims comme je vous l'ay mandé; et je vous avertis que je n'en partiray que quand j'aurai reçu une lettre de vous.
Si je ne peux obtenir par mr du Pin, ou par quelque autre fermier général de vos amis que mes ballots me soient rendus chez moy, tâchez d'obtenir au moins qu'ils restent à la douane dans un dépost particulier jusqu'à mon arrivée. Il y a plusieurs paniers qui ne sont fermez qu'avec des cordes, et qu'il ne faudrait pas abandonner au bras séculier. C'est une petite négociation ma chère enfant que je remets à votre prudence et à votre amitié, en vous demandant bien pardon de cet embarras que je vous cause.

Avez vous vu mr Dargental? que dit il de cet ouvrage qui me tient tant au cœur? quand le donnerez vous? quand serez vous la première femme dont on ait vu une comédie? Je ne reviens point d'étonnement que vous ayez pu entreprendre une pareille besogne, ayant àpeine fait des vers. C'est bien là la véritable marque du génie. Vous et la personne que je pleure vous aurez été deux choses bien rares. Mais encor une fois ma chère enfant ne vous rebuttez pas sur les corrections et abandonnez vous à M. Dargental. Adieu mon cœur. Ce temps cy ne fait pas grand bien à ma santé.

V.