[c. 15 January 1749]
Je vous avois déjà mandé monsieur que j'étois très fâché qu'on se fût hâté d'envoyer malgré moy des copies informes de cette petite pièce, qui d'ailleurs a, ce me semble, l'aprobation de tous les gens de goust et de bon sens.
Je suis encor plus fâché et moins surpris qu'il y ait des hommes assez méchamment bêtes pour trouver à redire qu'on mette parmy les agrémens de la vie de bons soupez qu'on donne à la bonne compagnie dont on est les délices et le modèle. La seconde leçon vaut certainement mieux, mais à votre place j'aurois laissé subsister la première pour punir les sots. Les cailletes et les imbéciles du bel air qu'il ne faut jamais écouter ny en fait d'ouvrages d'esprit ny en autre chose, cherchent à mordre surtout. Ces honnêtes gens là ont fait tout ce qu'ils ont pu pour que mr de Richelieu trouvast mauvais que je luy écrivisse comme Voiture écrivoit au prince de Condé, mais il n'a pas été leur duppe, et en vérité plus je vais en avant plus je voi qu'il n'y a d'autre party à prendre que de mépriser les sots discours qu'on ne peut jamais empécher. Pour moy je me console de touttes les plattes critiques par l'honneur de votre aprobation, et de la haine des demi baux esprits par l'honneur de votre amitié. Madame du Chastellet pense comme moy. Elle vous fait mille compliments. Elle vient d'achever une préface de Neuton qui est un chef d'œuvre et qui fait honneur à son sexe et à la France. Elle a résisté avec courage aux impertinences des cailletes, et passera dans la postérité pour un génie respectable. Si elle n'avoit pas méprisé les mauvaises plaisanteries elle n'auroit pas fait des choses admirables que les ricaneurs n'entendront pas.