1745-08-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Claude Henri de Fuzée de Voisenon.
Vous êtes dans le bau pays
Et des amours et des perdrix.
Tout cela vous convient, quels baux jours sont les vôtres!
Mais dans le triste état où le destin m'a mis
Pui-je suivre les uns, pui-je manger les autres?
Aux autels de Vénus on peut dans son malheur,
Quand on n'a rien de mieux, donner au moins son cœur,
Mais sans un estomac peut on se mettre à table
Chez ce héros de Champs, intrépide mangeur,
Et non moins effronté buveur?
Qui d'un ton toujours guai, brillant, inaltérable,
Répand les agrémens, les plaisirs, les bons mots,
Les pointes quelquefois, mais le tout à propos?
La tristesse, attachée à ma langueur fatale,
M'interdit […] ces lieux consacrez au bonheur.
Je suis un pauvre moine indigne du prieur.
La santé, la guaité, la vive et douce humeur,
Sont la robe nuptiale
Qu'il faut au festin du seigneur.

Je suis donc dans les ténèbres extérieures, malade, languissant, triste, presque philosophe. Je soufre chez moy patiement et je ne peux aller à Champs. Je vous prie de faire mes excuses à la bauté et aux grâces. Mr du Chastellet a reçu ma lettre d'avis et m'a fait réponse. Toutes les autres affaires vont bien, mais ma santé va plus mal que jamais. La chair est faible et l'esprit n'est point prompt. Ce n'est pas là un joli lot, but your