6e 8bre 1777, à Ferney
Je reçois le 4e octobre, une Lettre du 11e auguste, ou du 11 aoust, que Mr Suard devait m'aporter, et que les arrangements des finances de L'état ont un peu retardée.
Je vois par cette Lettre, et j'avais déjà apris par Monsieur Le Prince de Beauvau que nôtre Pollion d'Aubonne se souvenait toujours de moi avec amitié.
Il est vrai, mon illustre confrère, que j'éxiste encor, mais je n'ai assurément ni l'estomac, ni les jambes, ni la guaité que vous me suposez. Je m'attriste dans ma tannière de toutes les vivacités brillantes et bruiantes de vôtre Paris qui n'est plus le mien. J'aprends pour me consoler que vous avez osé prendre publiquement dans l'académie, le parti de Boileau et de Racine. Il est vrai que vous y êtes intéressé. Ceux qui ont des vignes à Champ Bertin vantent le vin de Bourgogne.
Puisque vous avez soutenu si noblement le bon goût dans nôtre tripot, je me flatte que vous achêverez vôtre ouvrage en nous donnant Mr De Condorcet pour confrère. Nous avons besoin de lui comme nous en avions de vous dans ce siècle maudit. Il nous faut un philosophe intrépide et éloquent. Nous sommes perdus si nous n'avons pas Mr de Condorect vous dis-je. Hazardez tout pour la bonne cause. Echaufez les tièdes, encouragez les timides. Voilà le moment de vaincre ou de périr. Je crois envérité que si vous réussissez vous me ferez vivre encor deux ans. C'est donc la vie que je vous demande en vous demandant la gloire de L'académie. Portez vous mieux que moi, et soiez aussi heureux que vous méritez de l'être.
V.