Ah quelle pauure excuse! v͞s feriés aussi bien toutes v͞s affaires à Nancy, c'est vn sacrifice que i'exige et que v͞s me deués.
Ie ne sais si v͞s auriés la cruauté de me tromper, mais ie sais bien que cela v͞s sera impossible. Si v͞s sauiés les affaires que i'ay à Paris et que ie sacrifie à l'espérance incertaine de v͞s voir, v͞s veriés bien qu'on fait ce qu'on veut, quand on le veut bien, cependant ie ne v͞s demande d'autre sacrifice que celui de n'être pas à Luneuille. Quand ie v͞s saurai à Nancy ie croirai tout ce que v͞s voudrés. V͞s receurés cette lettre mercredi, v͞s ne m'y répondrés que jeudi, répondés moi de Nancy, et mandés moi positiuem͞t quand v͞s serés à Cirey. Ie crois que quand v͞s serés vne fois parti de Luneuille v͞s le serés bientôt p͞r venir ici, mais ie me trouue bien extrauagante de vouloir v͞s disputer à la plus aimable femme du monde, souuenés v͞s du moins que ce n'est pas ma fautte, et qu'il n'a pas tenu à moi de v͞s racomoder, mais v͞s aués sans doutte mieux aimé auoir vn sacrifice à lui faire, et v͞s aurés le plaisir d'auoir le baron p͞r le faire agréer. Mon coeur et la vérité de mon caractère sont bien déplacés au milieu de tant de fauseté et de tant de manège, i'aime mieux en être la victime que de l'imiter. Ie ne v͞s dirai point dans cette lettre que ie v͞s aime, vous en seriés plus coupable, et v͞s n'en seriés pas plus heureux. Ie suis bien sûre que v͞s serés fâché quand v͞s m'aurés laissé partir p͞r Paris, croiés que i'ay quelquefois du courage et de la fermeté, i'aurois voulu ne v͞s le prouuer que par ma constance. I'ai reçu vne lettre très aimable et beaucoup plus tendre que la vôtre, i'espère du moins que ie conseruerai mon amie, i'ay assés de générosité pour tout pardonner hors la fausseté, qui v͞s forçoit à en auoir p͞r moi, mais peutêtre, que ie suis injuste, il ne tiendra qu'à v͞s de me le prouuer et de ne pas perdre vn coeur qui v͞s aimera toute sa vie si v͞s le voulés.
ce lundi 29 [April 1748]
Mandés moi si on sait que v͞s deués venir à Cirey.