Mon malheur veut que je ne voye guères plus mes amis que les rois. Je suis presque toujours malade. Je n'ay envisagé qu'une fois le roy mon maître epuis son retour, et il y a plus de six mois que je ne vous ay vu. Il est bien vray que nous avons joué à Sceaux des opéra, des comédies, des farces et qu'ensuitte m'élevant par degrez au comble des honneurs j'ay été admis au téâtre des petits cabinets entre Montcriffe et d'Arboulin. Mais mon cher Cidevile tout l'éclat dont brille Montcriffe ne m'a point séduit. Les talents ne rendent point heureux surtout quand on est malade, ils sont comme une jolie dame dont les galants s'amusent et dont le mary est fort mécontent. Je ne vis point comme je voudrais vivre, mais quel est l'home qui fait son destin? Nous sommes dans cette vie des marionetes que Brioché mène et conduit sans qu'elles s'en doutent. On dit que vous revenez incessamment. Dieu veuille que je profite de votre séjour à Paris un peu plus que l'année passée! En vérité nous sommes faits pour vivre ensemble. Il est ridicule que nous ne fassions que nous rencontrer.
Adieu mon cher et ancien amy, madame du Chastellet-Neuton vous fait mille compliments.
V.
2 janvier 1748