Mon illustre amy, je vous reconnais; vous ne m'oubliez point quoyqu'il soit permis d'oublier tout le monde auprès du grand Frederic et entre les bras de l'amour.
Jouissez de tous les avantages qui vous sont dus. Pour moy je n'ay que des consolations. Ma malheureuse santé me les rend bien nécessaires. Il est vray mon illustre amy que le Roy m'a fait présent de la première charge de gentilhomme ordinaire de sa chambre, qu'il a augmenté ma pension, qu'il m'accable de bontez, mais je me meurs, et je n'ay plus de vraies consolations que dans l'amitié. Me voicy enfin votre confrère dans cette académie française où ils m'ont élu tout d'une voix, sans même que l'évêq. de Mirepoix s'y soit opposé le moins du monde. J'ennuieray le public d'une longue harangue lundi prochain. Ce sera le chant du cigne. J'ay fait un petit brimborion italien pour l'institut de Boulogne dans le quel j'ay l'honneur d'être votre confrère. Je ne vous en importune pas parce que je ne sçai si vous avez daigné mettre la langue italienne dans l'immensité de vos connaissances. Madame du Chastelet fait imprimer sa traduction de Neuton. Vous devez l'en aimer davantage. Je vois quelquefois votre ami la Condamine, qui vient prendre chez nous son caffé au lait en allant à L'Académie. Nous parlons de vous, nous vous regrettons, nous espérons que vous ferez icy quelque voiage, mais pressez vous si vous voulez voir en vie votre admirateur et votre ami
V.
Mr de Valori, mr Dargens daignent ils se souvenir de moy? Voulez vous bien leur présenter mes très humbles compliments? Mr Decoville est il à Berlin? Daignez ne me pas oublier auprès de luy, ny auprès de ceux à qui j'ay fait ma cour quand j'ay eu le bonheur trop court d'être où vous êtes pour longtemps. Mais il y a une personne que je veux absolument qui ait un peu de bonté pour moi, c'est madame de Maupertuis. Adieu. Madame du Chastellet vous fait les plus sincères compliments.
ce 1er may [1746]