Votre historiografe n'a pu vous faire sa cour dimanche passé comme il s'en flattoit.
Il passe son temps à soufrir et à historiografer.
On vient de m'envoyer un livre fait par quelque politique allemand où votre gouvernement est joliment traitté. J'y ay trouvé la lettre du maréchal de Smettau, où il dit que M. Dallion est un ignorant et un paresseux.
Mais vrayment pour paresseux je le crois, il y a un an que je luy ay envoyé un gros paquet que vous avez eu la bonté de luy recomander et je n'en ay aucune nouvelle. Seriez vous assez bon monseigneur pour daigner l'en faire souvenir la première fois que vous écrivez au bout du monde?
Il paroit tant de mauvais livres sur la guerre présente qu'en vérité mon histoire est nécessaire. Je vous demande en grâce de dire au roy un mot de cet ouvrage au quel sa gloire est intéressée. J'ay peur que vous ne soyez indiférent parcequ'il s'agit aussi de la vôtre, mais il faut boire ce calice. Je ne crois pas avoir dit un seul mot dans mon histoire que les personnes sages, instruittes et justes ne signent. Vous me direz qu'il y aura peu de signatures, mais c'est ce peu qui gouverne en tout le grand nombre, et qui dirige à la longue la manière de penser de tout le monde.
Je vous aime, je vous respecte bien personnellement
V.
mardy [25 January 1746 au soir]