1744-11-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Graf Otto Christoph von Podewils.

Je vous remercie des vers que vous m'avez envoyez mon aimable ministre.
Je crois que j'ay perdu ce dictionnaire de rimes avec lequel nous nous écrivions tant de fariboles l'année passée. Peutêtre est il à Cirey mais je ne le trouve point dans mes paperasses. Si vous pouvez m'envoyer un double du vôtre par mr de la Ville à la première occasion, nous pourons renouveller notre commerce en bouts rimez, car encor faut il que vous vous délassiez de vos affaires importantes avec les fureteurs de bagatelles. Je vous suplie de m'envoyer toujours sous le couvert de Mr de la Reiniere tous les rogatons de l'espèce dont vous avez bien voulu me faire part.

Mrde Smettau n'est pas trop aise de voir icy ses lettres imprimées. Voyez comment va le monde! On imprime mr de Smettau malgré luy, aussi bien que Mr de Vanhoy, et moy si je voulois faire imprimer icy le mondain ou la tragédie de Mahomet, je ne pourois en venir à bout.

Vous saurez sans doute à l'arrivée du courier que Mr Dargenson l'aîné, vient d'être nommé secrétaire d'état des affaires étrangères. Le cadet fera la guerre, après quoy il faut que l'aîné fasse la paix. Il n'a pas refusé comme mr de Villeneuve, parcequ'il est encor jeune, qu'il se porte bien, et qu'il se sent oneri parem, et aptum negotiis.

Si on ne m'imprime pas à Paris comme mr de Vanhoy, on me fait cet honneur à Genève. Je ne sçai s'il me seroit permis de prendre parmy mes titres honorifiques celuy de membre de L'académie de Berlin. J'ay eu l'honneur d'y être présenté par M. le comte de Podevils votre oncle, et par M. le maréchal de Smettau, mais je n'ose en prendre le titre sans une permission de Mr votre oncle. Mon ambition est de tenir à Berlin par quelque endroit. Je tiendray toujours à vous par mon cœur. Mille respects à madame de Podewils. Madame Duch. a plus que jamais envie de vous voir.

V.