à Paris ce 13 janvier [1744]
On me mande monseigneur le résultat d'une conférence secrette qu'on a eue avec Mrs de Wit, Halluin, et Rosendal fermement unis entre eux dans des vues de paix et de liberté.
Ils sont persuadez que Mrs d'Obdam, Benting, Fagel, le gr. pensionaire etc. veulent parvenir à faire le prince d'Orange Stathouder.
J'ay toujours de la peine à croire que le fameux Vanharen, qui a le fanatisme de la guerre, entre aussi dans celuy du Stathouderat. Je me fonde sur un portrait satirique qu'il a fait de ce prince et qu'il m'a confié. Cependant je sens bien qu'à toute force on peut vouloir aujourduy pour maître, celuy contre le quel on a fait hier une satire: tant les esprits des hommes sont inconséquents.
Les amis de qui j'ay l'honneur de vous parler disent que les trouppes qui peuvent agir contre la France dans les Pays Bas, si les choses restent sur le même pied, ne peuvent aller à soixante mille hommes.
Et voicy les expressions dont se servent, mot pour mot, les personnes bien intentionées:
‘Il faut nous faire voir le danger de plus près pour qu'il fasse impression sur notre république. Nous convenons que L'armée du maréchal de Maillebois occasiona notre dernière augmentation, mais ce ne fut que par la conduitte peu circomspecte de plusieurs officiers français, encor n'est il pas douteux un moment que si cette armée eût resté dans ces quartiers, nous n'aurions pas osé remuer.
Le même expédient reste au roy de France, supposé qu'il ait assez de trouppes pour opposer une armée à celle des alliez aux Pays Bas qui sera à peine forte de soixante mille hommes, et envoyer un corps de vingt à vingt cinq mille hommes du côté de la Meuse et du bas Rhin, en se tenant sur la deffensive aux Pays Bas. Il n'y a qu'un inconvénient à craindre, c'est que la grandeur du danger n'excite nos peuples à la révolte, et à demander un stathouder.’
Je ne suis que copiste monseigneur et je sçais où je dois me borner, quoyque je ne borne point mon zèle.
Je suis sûr, même, que M. de la Ville vous donne des avis plus importants, et que les miens sont souvent bien peu de chose. Mais comptez au moins sur mon exactitude et sur ma fidélité comme sur mon tendre et respectueux attachement.
V.