1776-07-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Anne Madeleine Louise de La Tour Du Pin, baronne d'Argental.

Vous êtes toujours madame notre patronne et notre protectrice.
Je vous écris de ma faible main pour vous en remercier, tandis que tout Ferney est à la comédie. Je ressemble aux loiaux amants qui renonçaient aux fêtes de la cour pour s'occuper en secret de la dame de leurs pensées.

Je crois que St Geran ne s'est pas arrangé avec le Kain, ainsi je ne suis pas tant le rival de la reine qu'on le croit. Vous sentez bien à quel point je dois être flatté de l'occasion que vous me donnez d'écrire à madame la princesse d'Henin, mais vous sentez aussi combien je dois être embarassé. Il y a bien longtemps que j'ay renoncé aux cours, et je n'en ai jamais sçu le langage. Jetez ma lettre dans le feu si elle n'est pas bien.

Je suis prest de faire le voiage de l'autre monde que celui de Versaille, et alors madame ce sera vous seule que je regretterai.

Conservez moi vos bontés en cette vie. Si mr le comte de Maillebois n'est pas encor parti pour son armée, puije vous suplier de lui dire en passant combien nous nous intéressons icy à cette armée là? Nous avons proclamé maréchal de France, celui qui la commande.

Tout Fernei vous crie, Vive notre patronne!

V.