1743-11-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste François Durey de Mesnières.

J'ay vu des lettres de vous monsieur qui sont des témoignages de votre sensibilité et de votre prudence.
Je sens plus que jamais combien il est doux de vous être attaché. Votre amie est aussi digne de votre cœur que je méritois peu ses allarmes. Daignez croire monsieur que je ne devois pas être soupçonné de préférer jamais ce qui peut éblouir un moment à ce qui doit toujours rempli le cœur. Il est vray que j'ay écrit des lettres où je paroissois content de la cour où j'étois. Il eût été injuste et déraisonnable d'écrire autrement, mais il le seroit bien davantage d'oublier un instant les personnes à qui on a voué sa vie. Comptez monsieur que vous redoublez mon attachement pour ma patrie. Je me flatte que dans peu de jour vous reverrez votre amie qui vient encor de gagner un incident du procez dans le quel elle vous a tant d'obligations. Elle ne sera pas la seule qui sera enchantée de vous revoir. Vous savez avec quelle tendresse je vous aime et je vous respecte. Nous partons demain matin pour Lile.

V.