Je me hâte mon cher ami de v͞s aprendre que ie viens enfin de receuoir une lettre, elle est du 28, elle a 4 lignes.
Il est clair par cette lettre qu'il a été 15 jours sans m'escrire. Il ne me parle point de son retour. Que de choses à lui reprocher, et que son coeur est loin du mien, mais puis qu'il se porte bien ie n'ai plus de reproche à lui faire, et ie suis trop heureuse. Ie vais aller à Bruxelles dès qu'une petite fièure que i'ay sera pasée, ie l'y attendrai et ie reuiendrai auec lui. I'y ai efectiuem͞t affaire. Mon raporteur est tombé en apoplexie, et le choix d'un autre raporteur est vne chose qui mérite attention, mais qui ne sera pas longue. I'ay fait prier notre ami le cheualier de Mouhi de mettre cette cause de mon départ dans ses nouuelles à la main, i'ay escrit à toutes les persones de ma conoissance le sujet de mon départ, et i'ay annoncé mon retour auant la fin du mois, et ie l'espère bien ainsi. Dites ma résurrection à me Dargental, ie comte bien sur v͞s, sur elle et sur votre aimable frère p͞r représenter à m. de Voltaire combien il seroit barbare à lui de m'exposer encore à de pareilles épreuues. Il m'en a pensé coûter la vie, et il m'en coûtera sûrem͞t ma santé que je sens que de pareilles épreuves altèrent sensiblem͞t, mais si ie le reuois tous mes maux seront guéris. Adieu mon cher ami, escriués moi à Bruxelles sur la place de Louuain et comtés sur l'amitié d'un coeur qui n'a jamais su changer.
le 10 8bre [1743] à Lisle