Ie m'affligeois de votre silence mon cher ange et ie n'en sauois point la cause. Cela a dû beaucoup v͞s faire soufferir et ie suis rauie que v͞s en soiés quitte. Voilà le mois d'octobre bien prés, i'espère que ce sera la fin de mes peines et que l'aurai le tapis au mois d'octobre come v͞s me l'aués fait espérer. Ie n'imagine pas qu'il y ait rien à risquer p͞r cet incident malgré tous les inconueniens des tems, et i'ymagine que s'il y auoit quelque chose à craindre v͞s m'en auertiriés. Ie comte donc que v͞s mettrés la déduction en état. Mr Detourneuille y a aussi trauaillé à ce que me mande Daguilar, et ie comte que v͞s allés v͞s y mettre et en conférer auec mr Detourneuille si v͞s comtés toujours faire juger l'incident au mois d'octobre come ie l'espère.
Quant au principal ie v͞s suplie cher ange d'engager d'Aguilar à faire ce que ie lui demande depuis six mois, et ce que ie ne puis pas obtenir. C'est qu'il m'obtienne des réquisitoires ad omnes judices, et que le conseil escrive aux recteurs des universités de Strasbourg et de Leipsik come il a fait au lieutenant-général de Chaumont, p͞r qu'ils reçoiuent les dépositions des membres de l'université dont ils sont juges sur le mot leibzucd. Ces universités sont toutes disposées. I'y ai des corespondances et des amis qui veilleront à mes intérests, mais v͞s sentés bien que si cela traîne les amis se refroidissent, les gens changent de lieu et on perd le fruit de toutes ses peines. Quand les deuoirs seront faits, on les trouuera en définition de cause, et il faut tâcher de les faire tandis qu'on le peut auec profit. Ie v͞s suplie donc cher ange, de me secourir, d'ordoner à d'Aguilar qu'il obtienne ces réquisitoires, et vne lettre du Conseil au recteur de l'université de Strasbourg dont ie lui ai mandé le nom et les titres. Ce sera p͞r comencer, les autres viendront après, mais enfin ie dois être très afligée de l'inaction dans laquelle on est depuis 2 ans dans mon afaire, car il faut conuenir que depuis mon départ de Bruxelles elle n'a pas auancé d'une ligne, et toute mon espérance cher ange est en v͞s, v͞s le saués bien. Enuoiés chercher Daguilar, faite le agir, et mandés moi ce que ie puis espérer et sur quoi ie puis comter, p͞r l'incident, et le principal. Vandeneede est mort, et c'est vn bon déblait p͞r moi, mais les délais ocasionés par sa mort doiuent être pasés à présent. Des réquisitoires expédiées sont plus faciles encore p͞r mr Duchene que des preuues littéralles, mais l'un n'empêche pas l'autre, et ie voudrois que n͞s fissions tout ce que n͞s pouuons faire, mais surtout les réquisitoires, car sans cela toutes les démarches que i'ay fait deuiendront inutiles.
On m'a encore fait des propositions d'accomodem͞t depuis que ie ne v͞s ai escrit et on m'a enuoié vne lettre de Hoensbroek même qui ofre 150 mille liures de [France] mais v͞s croirés aisém͞t que cela ne m'a pas tenté, à moins de 50000lt de [France] il n'i a rien à faire. Vn procés auquel v͞s [?travaillés] auec tant de bonté ne doit pas être abandoné si légèremt. Ie crois bien qu'ils n'offriront jamais une some honête que cet incident ne soit jugé, jugés donc combien i'ay d'intérest qu'il le soit, mais ie n'ai rien à v͞s dire sur cela, v͞s conoissés mieux mes intérests que moi même. Ie m'en remets à votre amitié mon cher ange, ie m'y confie, car ie la mérite, donés moi de vos nouvelles et soiés sûr d'une reconoisance et d'un attachemt qui ne finiront qu'avec ma vie.
Mr de Voltaire v͞s fait mille tendres complimens. Faite la bone action d'escrire [à] ma fille. Elle sera enchantée de receu[oir de] vos nouuelles. Je sais qu'elle a beaucoup [d'am]itié p͞r v͞s. Son adresse est à madame la duchesse de Montenero Caraffa à Naples en Italie. I'ay changé de maison et mon adresse est àprésent rue Trauersine. Adieu cher ange, ie v͞s embrasse de tout mon cœur.
à Paris ce 1er 7bre 1745
Petit Vendin m'a mandé que tout moisisoit dans ma maison à Bruxelles. Ie voudrois bien la louer cet hiuer à quelque colonel anglais.