J'ai été enchanté mon cher monsieur, de vous retrouver et de retrouver l'ancienne amitié que vous m'avez témoignée.
Je vous remercie encore de l'humanité que vous avez fait paraître, en examinant les ouvrages d'un homme qui était l'ennemi du genre humain. Si tous les gens de lettres pensaient comme vous, le métier serait bien agréable. Ce serait alors qu'on aurait raison de les appeler humaniores litterœ.
J'ai oublié d'écrire à m. d'Argenson que je le suppliais de me recommander à m. Maboul, mais avec vous monsieur on a beau avoir oublié ce qu'on voulait, vous vous en souviendrez. Je vous prie donc de vouloir bien suppléer mes péchés d'omission et de dire à m. d'Argenson qu'il ait la bonté de me recommander fortement et généralement, ces deux adverbes font admirablement.
Le roi m'a donné son agrément pour être de l'académie en cas qu'on veuille de moi. Reste à savoir si vous en voulez. Vous savez que pour l'honneur des lettres je veux qu'on fasse succéder un pauvre diable à un premier ministre; je me présente pour être ce pauvre diable là.
J'écris à la plus aimable sainte qui soit sur la terre. Elle nous convertira tous, elle était faite pour mener au ciel ou en enfer qui elle aurait voulu. Je compte sur sa protection dans cette vie et dans l'autre. Je me flatte aussi mon cher monsieur que vous ne m'abandonnerez pas et que quand vous aurez fini la grande affaire du frère d'Athalie et de Phèdre, vous donnerez des marques de votre amitié à votre ancien serviteur, qui vous sera tendrement obligé et qui vous aimera toute sa vie.
Si vous savez quelque chose et que vous voulez bien m'instruire de ce que je dois faire je vous aurai une obligation extrême.
V.
1er février [1743] à Paris Faux. s t Honoré.