1769-07-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Jeanne Pajot de Vaux.

J'ay l'air d'un ingrat madame; et je vous jure que je ne le suis pas.
J'avais égaré votre lettre et je croiais vous avoir répondu. Je m'imaginais que je n'avais pu manquer à un devoir qui m'est si cher. Je vous demande en grâce de me pardonnér mon péché d'omission et d'être bien persuadée que mon cœur ne sera jamais coupable envers vous. Le cœur est tout ce qui reste aux pauvres vieillards et le mien est encor jeune pour l'amitié. Vous avez vu Paris et Versailles mais il vaut encor mieux cultiver son jardin que d'admirer ceux des rois, c'est ainsi qu'en use Monsieur votre frère avec sa femme. Ils font valoir Maconey comme je fais valoir Ferney. Madame Denis est toujours à Paris où ses affaires la retiennent jusqu'à ce que je puisse la rejoindre. Voilà je crois bientôt le temps où Monsieur de Vaux poura demander la vétérance. Mais le moment n'est pas encor venu. J'espère qu'un jour le chancelier ne sera pas si difficile que le garde des sceaux son père. Peutêtre dans six mois je serai à portée de solliciter cette grâce. Ce sera la plus pressante de mes affaires.

Je n'ose plus me recommander aux bonnes grâces de mon cher Paté, je me mets aux pieds de madame de Vaux.

V.