ce 20 [?October 1742] à Bruxelles
Mon cher enfant en Apollon, vous vous avisez donc enfin d'écrire d'une écriture lisible sur du papier honnête, de cacheter avec de la cire, et même d'entrer dans quelque détail en écrivant.
Il faut qu'il se soit fait en vous une bien belle métamorphose, mais aparemment votre conversion ne durera pas, et vous allez retomber dans votre péché de paresse; n'y retombez pas au moins quand il s'agira de travailler à votre mauvais riche; car j'aime encor mieux votre gloire que vos attentions. J'espère baucoup de votre plan et surtout du temps que vous mettez à la composer, car depuis trois mois vous ne m'avez pas fait voir un vers. Sat cito si sat bene. Plusieurs personnes m'ont écrit que M. Tiriot répandoit le bruit, que j'avois part à votre comédie. Je ne crois pas que Mr Tiriot puisse ny veuille vous ravir un honneur qui est uniquement à vous. Je n'ay d'autre part à cet ouvrage que celle d'en avoir reçu de vous les prémices, et d'avoir été le premier à vous encourager à traitter un sujet susceptible d'intérest, de comique, et de morale, et où vous pourez peindre les vertus d'après nature en les prenant dans votre cœur. A L'égard des vices, il faudra que vous sortiez un peu de chez vous; mais les modèles ne seront pas difficiles à rencontrer.
Faites moy le plaisir de me donner souvent de vos nouvelles si vous pouvez. Je vous embrasse de tout mon cœur.