1742-10-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.
Sic vos non vobis mellificatis apes;

J'aprends avec une douleur bien vive qu'enfin les infidèles ont imprimé Mahomet. J'écris à Mr de Marville la lettre la plus pressante, pour le suplier d'employer toute son autorité et toutes ses lumières pour découvrir et punir cette prévarication. Je vais écrire aussi à M. le cardinal de Fleury quelque répugnance que j'aie à l'importuner de petites affaires au milieu de ses grandes occupations.

Je jure à mes anges que je n'ay laissé dans Paris, que Les deux exemplaires parafez de la main de Mr de Marville. L'un de ces deux exemplaires n'avoit été qu'un jour et demi entre les mains de Grandval.

Reste à savoir ce que devint un ancien exemplaire remis entre les mains de Mr de Marville il y a deux ans, et qu'il croit avoir rendu à Dufrene. Il est aisé de voir si L'impression est conforme à cet ancien manuscript rendu à Dufrene, ou aux deux manuscripts restez en dernier lieu chez Mr le lieutenant de police suivant les quels la pièce a été jouée.

Dans l'un et dans l'autre cas, Mr de Marville peut remonter à la source de l'infidélité. D'un colporteur on va aisément à un libraire, et du libraire à celuy qui aura vendu la pièce.

Je suplie instament mes anges d'étendre icy leurs ailes. Leur Mahomet pour le quel ils on eu tant de bontez et qui m'a coûté tant de soins, ne m'a donc produit que des peines. Mon sort seroit bien malheureux si je n'avois pour ma consolation Emilie, et mes anges.

J'ay de très fortes présomption contre Praut.