1742-03-19, de Frederick II, king of Prussia à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher Voltaire je viens de recevoir une charmante lettre de votre part mais je me trouve en même temps fort embarrassé d'y répondre.
Le bruit de madame Bellone étourdit beaucoup les oreilles de Calliope et les grandes marches de l'armée font mal aller les vers.

Il faut attaquer, se défendre,
Tantôt temporiser et tantôt entreprendre,
Là prévenir le coup mortel
Et l'attrape que veut vous tendre
Disciple de l'enfer, nouveau Machiavel,
Quelque serpent caché dans les bruraux iniques
De madame la politique.
Dans le centre de tant de soins,
Aux yeux d'un million de témoins,
Sous le fardeau de la journée,
A la fin succombent mes sens.
Vainement d'Apollon les accords si brillants
Même ta verve couronnée
N'appelleraient par leurs accents
Mes organes lassés de leurs accablements.
Je te vois, je t'entends, Voltaire, tu me blâmes.
Mais souviens toi dans ces moments
Que l'homme n'a pas plus qu'une âme.

Ne me faites point de reproches sur l'amitié. Je vous condamne absolument sur ce sujet et vous êtes ingrat de penser comme vous le faites. Je crois que vous feriez bien de venir ici si vous voulez être chauffé car je ne réponds de rien, à Bruxelles. Adieu, cher Voltaire, je suis à vous, comme le st père est au diable.

Federic