1742-01-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Quoyque je ne croye pas de léger, et surtout aux promesses de cour (j'entends de cour étrangère, car on ne trompe point chez nous,) j'ay quelque lieu de croire que votre affaire est enfin terminée suivant les lettres que je viens de recevoir de Berlin.
Je vous montreray dans quelques jours celle que je reçus il y a plus de quinze jours en réponse à la missive de vers et de prose que vous vîtes à Paris, vous verrez comme on a répondu à la mention que je faisois de vos besoins. Je ne suis point étonné du succez qu'ont eu les confessions dont vous me parlez, quand on confesse des péchez que tout le monde fait ou que tout le monde voudrait faire, on est bien reçu du public, mais je ne crois point parceque le frivole est bien reçu que la nation n'aime que le frivole. Les livres sensez et instructifs ont un succez plus durable, ils passent à la postérité et les petits romans sont bientôt oubliez. Dans cent ans on lira Rollin tout imparfait qu'il est, tout bavard, tout fautif, tout superstitieux, parce que le fonds de son livre est solide, et on ne lira pas plus les confessions du comte de, que les honnêtes gens ne lisent celles de st Augustin.

J'aurois besoin de baucoup de livres, je m'adresseray à vous si vous le permettez, j'espère vous embrasser ce caresme.