1742-01-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Frederick II, king of Prussia.
Lorsque, pour tenir la balance,
L'Anglais vide son coffrefort;
Lorsque l'Espagnol sans puissance
Croit partout être le plus fort;
Quand le Français vif et volage
Fait au plus vite un empereur;
Quand Bellile n'est pas sans peur
Pour l'ouvrier et pour l'ouvrage;
Quand le Batave un peu tardif,
Rempli d'égards et de scrupule,
Avance un pas, et deux recule,
Pour se joindre à l'Anglais actif;
Quand le bon homme de saint père,
Du haut de sa sainte Sion,
Donne sa bénédiction
A plus d'une armée étrangère;
Que fait mon héros à Berlin?
Il réfléchit sur la folie
Des conducteurs du genre humain;
Il donne des lois au destin,
Et carrière à son grand génie:
Il fait des vers gais et plaisants;
Il rit en donnant des batailles:
On commence a craindre à Versailles
De le voir rire à nos dépens.