1741-11-29, de Frederick II, king of Prussia à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher Voltaire, il est arrivé un malheur à la dernière lettre que vous m'avez écrite; elle a été brûlée par une bougie renversée de façon que je vous prie de m'en envoyer copie en cas que vous en ayez une ou sinon de m'en écrire une autre.
Vous êtes à Paris et je suis de retour à Berlin. Vos Français remplissent l'Europe de leur réputation et l'Allemagne de l'estime qu'ils savent gagner toute part, et le vieux Mentor de la France exécute, les dernières années de son ministère, les grands desseins que les Richelieu et les Mazarin ont à peine osé concevoir.

Français, vous savez vaincre et chanter vos conquêtes,
Il n'est aucun laurier qui ne ceigne vos têtes.

Monsieur Euler est arrivé ici, et nous attendons les Bernoulli, les Dupré et les La Noue. Vous voyez par là que la guerre n'a point amorti en moi le goût pour les arts, et que, comme les Romains dans leur course menaient beaucoup de chevaux de front, on peut mener la guerre, les sciences et les plaisirs de pair, sans que ce qui fait fleurir l'un, détruise l'autre.

Adieu, cher Voltaire, faites les délices de Paris, les plaisirs de l'univers, soyez l'objet des agréments des Français, tandis que vous serez celui de mes regrets.

Federic