Au camp de Mollwitz, ce 2 de mai 1741
Voilà tout ce que peut vous dire ma muse très guerrière, d'un camp très froid. Je n'entre point en détail avec vous, car il n'y a rien de raffiné dans la façon dont nous nous entretuons; cela se fait toujours à mon grand regret; et, si je dirige la fureur obéissante de mes troupes, c'est toujours aux dépens de mon humanité, qui pâtit du mal nécessaire que je ne saurais me dispenser de faire.
Le maréchal de Belle-Isle a été ici avec une suite de gens très sensés. Je crois qu'il ne reste plus guère de raison aux Français, après celle que ces messieurs de l'ambassade ont reçue en partage. On regarde en Allemagne comme un phénomène très rare de voir des Français qui ne soient pas fous à lier. Tels sont les préjugés des nations les unes contre les autres; quelques gens de génie savent s'en affranchir, mais le vulgaire croupit toujours dans la fange des préjugés. L'erreur est son partage. A vous, qui la combattez, soit honneur, santé, prospérité, et gloire à jamais. Ainsi soit il! Adieu.
Federic