1742-06-18, de Frederick II, king of Prussia à Voltaire [François Marie Arouet].
Les palmes de la paix font cesser les alarmes,
Au tranquille olivier nous suspendons nos armes.
Déjà l'on n'entend plus le sanguinaire son
Du tambour redoutable et du bruyant clairon;
Et ces champs que la gloire, en exerçant sa rage,
Souillait de sang humain, de morts et de carnage,
Cultivés avec soins, fourniront dans trois mois
L'heureuse et l'abondante image
D'un pays régi par les lois.
Ces vaillants guerriers que l'intérêt des maîtres
Ou rendait ennemis, ou le faisait paraître,
De la douce amitié resserrant les liens,
Se prêtent des secours et partagent leurs biens.
La Mort l'apprend, frémit, et ce monstre barbare,
De la Discorde en vain secouant les flambeaux,
Se replonge dans le Tartare,
Attendant des crimes nouveaux.
O Paix ! heureuse Paix ! répare sur la terre
Tous les maux que lui fait la destructive guerre;
Et que ton front paré de renaissantes fleurs
Plus que jamais serein, prodigue tes faveurs!
Mais, quel que soit l'espoir sur lequel tu te fondes,
Crois moi que tu n'auras rien fait
Si tu ne peux bannir deux monstres de ce monde:
L'Ambition et l'Intérêt!

J'espère qu'après avoir fait ma paix avec les ennemis, je pourrai à mon tour la faire avec vous. Je demande le Siècle de Louis XIV pour la sceller de votre part, etje vous envoie la relation que j'ai faite moi même de la dernière bataille, comme vous me la demandez.

Je ne puis vous entretenir encore, jusqu'à présent, que de marches, de retraites honteuses, de poursuites, de coïonneries, et de toutes sortes d'événements qui, pour rouler sur des matières fort graves, n'en sont pas moins ridicules.

La santé de Rottembourg commence à se rétablir; il est entièrement hors de danger. Ne me croyez point cruel, mais croyez moi assez raisonnable pour ne choisir un mal que dans des occasions où l'on veut éviter un pire. Tout homme qui se fait arracher une dent, puisqu'elle est cariée, livrera bataille lorsqu'il veut terminer une guerre. Répandre du sang dans une pareille conjoncture, c'est véritablement le ménager; c'est proprement une saignée que l'on fait à son ennemi en délire, et qui lui rend son bon sens.

Adieu, cher Voltaire; croyez toujours, et jusqu'à ce que je vous dise le contraire, que je vous estimerai et aimerai toute ma vie.

Federic