1741-02-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Antoine de Feriol, comte de Pont-de-Veyle.

Vous allez croire monsieur que vous trouverez dans ce paquet quelque acte de mon prophète.
Mais ce n'est qu'un mémoire moitié géométrique moitié métaphisique. Je vous prie de ne le pas jetter au feu, mais de vouloir bien le donner à monsieur votre frère pour qu'il le remette à mr de Mairan. Je me flatte qu'il est àprésent entièrement rétabli, et que vous pardonerez tout deux la liberté que je prends. Le prophète est tout prest; il ne demande qu'à partir pour être jugé par vous en dernier ressort. J'attends que vous ayez la bonté de m'ordonner par quelle voye vous voulez qu'il se rende à votre tribunal. Il n'est rien tel que de venir au monde à propos. La pièce toute faible qu'elle est, vaut certainement mieux que L'Alcoran, et cependant elle n'aura pas le même succez. Il s'en faudra baucoup que je sois prophète dans mon pays, mais tant que vous aurez un peu d'amitié pour moy, je seray très content de ma destinée et de celle des miens. Madame du Chastelet vous fait les plus tendres compliments. J'attens vos ordres, et je crois en vous plus que les Musulmans ne croyent en Mahomet.

V.