1741-02-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Vous me ferez un plaisir extrême de me mander des nouvelles de votre pension.
Comptez que personne ne s'y intéresse davantage. Je ne me vante point d'être le premier qui en ait parlé au roy, mais je dois être jaloux que vous sachiez que j'ay remply le devoir de L'amitié. Ceux qui vous ont dit que le roy avoit réglé deux mille francs, vous ont dit une chose très différente de ce que j'entendis de sa bouche à Rinsberg dans la petite chambre de mr de Keiserling. C'est tout ce que je peux vous assurer. Je ne sais si on luy en a reparlé depuis. J'ay reçu trois lettres de sa majesté depuis son départ pour la Silésie dans les quelles elle ne me fait point l'honneur de me parler de cet arrangement, mais je vous l'ay dit et je vous le redis encore, je suis à vos ordres quand vous jugerez que je dois écrire.

Je vous remercie infiniment de l'avis que vous m'avez donné de l'édition qu'on projette. Je sçais qu'elle est très avancée. C'est un petit malheur qu'il faut suporter. Les libraires sont d'étranges gens d'imprimer les auteurs sans les consulter.

Mandez moy comment je pourois vous faire tenir mes œuvres d'Amsterdam, corrigées à la main, sans passez par l'enfer de la chambre sindicale.

Je vous suis obligé de cette ancienne épître au Prince royal que vous m'avez renvoyée. Je n'en avois pas de copie. Je ne sçais comment elle a transpiré en dernier lieu. C'est la faute de mon cher Keiserling, qui en fait trop de cas.

Il est très faux que je l'aye jamais envoyée à [. . .]. Il est vray que je m'adressay je croi à luy une fois pour faire passer une lettre au prince royal, mais c'eût été le comble du ridicule de luy envoyer une copie de cette pièce. Je ne crois pas qu'il soit assez effronté pour Le dire. Adieu, je suis à vous pour jamais.

V.